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mercredi 15 décembre 2010

empathie des rues

Les prières de rues et la polémique née des déclarations de la fifille à son papa, illustre parfaitement la récupération politique du Front National sur des constats communs.

Nous avons tous constaté que, parfois, des personnes priaient dans la rue, et j’ai fait partie de ceux qui en ont été choqués, gênés. Mon rapport à la religion est quelque chose de personnel, qui m’est propre, et que je ne souhaite pas étaler ainsi sur la place publique au vu et au su de tout le monde. Le rapport à Dieu, à la religion, le culte, tout ça relève de l'intimité, l'exposé à ceux qui n'ont rien demandé, relève d'un manque de pudeur. Ca c’est pour la gêne.

Je ne comprends pas non plus que les pratiquants, aussi fervents soient-ils, puissent s’exhiber ainsi dans leur relation à Dieu, sans tabou, sans
pudeur, sans réserve et sans retenue. Notre société est devenue une société du « dit tout », « montre tout », « honte de rien » et « assume tout ». Le politiquement correct est d’être politiquement incorrect, dès lors qu’on exprime quelque chose qu’on ressent. Je dois prier, je prie. Point. Peu importe où je suis.  Je constate qu’il y a majoritairement des noirs et des arabes en prison, je le dis. C’est ma pensée, elle existe. Le constat est vrai, je le dis. Et tant pis si l’information, elle, est fausse.
Ca me choque.

Je suis absolument navré, mais on ne peut pas tout livrer ainsi en public,

Oui, il ne faut pas prier dans la rue, "ça ne se fait pas". Le rapport de chacun à Dieu, à la religion, à la croyance peut être quelque chose de complexe, et cette foule rassemblée pour prier Dieu, dans l'espace public, peut gêner, notamment par ce qu'elle peut évoquer chez l'individu dans sa relation au Suprême. On a donc créer des lieux de cultes, les maisons du Seigneur, d'Allah, YHWH ou Bouddha, où les gens d'une même conviction peuvent se rassembler et prier. On prie dans des lieux de cultes, on prie dans l’intimité de son chez soit, mais on ne prie pas au milieu de ceux qui ne veulent pas de prière, on ne prie pas dans la rue, car on n'expose pas son intimité. Et le faire ne relève pas de l’occupation, d’un acte de guerre sans arme, d’un djihad qui ne dit pas son mot. Et le penser relève d’ailleurs du même raccourci, de la même désinvolture, ca ne résiste pas à l'analyse. Mais alors pourquoi le dire ? Parce qu'il y a le culte du droit de "tout dire".

Notre société a voulu "décomplexer" l'Homme, sans doute enfermé dans un rigide carcan socio-culturelo-religieux pendant des siècles. Et l'on est passer des non-dits, et la liberté de la pensée, même la plus idiote, même la plus méprisante, même la plus haineuse, au non de la seule liberté. On est même libre d'être con. Alors exit l'attention, la délicatesse, l'empathie, sacrifiés sur l'autel de la Liberté. Mais quoi de plus avilissant, de plus inféodant, que de privilégier sa liberté au chagrin des autres. Le projet de mosquée à Ground zéro relève de la même problématique. Bien sur qu'il ne faut pas faire d'amalgame, bien entendu que les musulmans n'y sont pour rien dans les attentats du 11 septembre, et évidement qu'ils sont les victimes indirectes des actes de barbaries d'une poignée de fanatiques. Mais au plus profond de la souffrance des familles et parents des victimes, qui ont perdu un des leurs, ou les leurs, ne peuvent-ils, n'ont-ils pas le droit d'être peiné de voir qu'au lieu d'un jardin, d'un magasin, d'un bureau, d'un immeuble, c'est précisément une mosquée qu'on construira à cet endroit ? Que ces attentats, c'est l'attaque de l'occident, "du Chretien et du juif" par une bande de fous furieux certes, mais au nom d'un Allah, qu'ils ne respectent même pas, je vous l'accorde ?

Alors plutôt que de camper sur ses positions, droit dans ses botes, et de condamner l'amalgame, qui rien, même pas la souffrance ne justifie, qu'on restreigne une liberté, en l'espèce celle de construire une mosquée, au simple motif que certains ont soufferts et voudraient voir édifier à cet endroit quelque chose de plus neutre, plutôt que de faire valoir cette certitude, n'eut-il pas été plus emphatique de proposer d'annuler ce projet de mosquée. Le geste eut-été tellement beau et symbolique : "on comprends la souffrance de beaucoup, on comprend que vous souhaiteriez voir construire un monument plus neutre qu'une mosquée. L'Islam est une religion de compréhension, et d'amour. Nous déplacerons la mosquée, nous édifierons à la place un jardin, parce que le monde doit savoir que nous ne sommes pas dans un esprit de conquête, mais d'empathie".

Mais on a le droit de tout dire, de tout penser, de ne pas tenir compte de son prochain.

Alors, non, Madame Le Pen Vous n’aviez pas le droit de dire ça ! Ne serait-ce que par respect pour ceux qui ont vécu l’occupation. Je pense qu’ils auraient rêvé que cette occupation se résume à des prières dans les rues.

Madame Le Pen, vous bafouez l’histoire de votre France pour aller grappiller trois voix C’est indigne. Cette histoire ne vous appartient pas, pas plus qu’elle ne m’appartient. Des gens sont morts, beaucoup, des personnes ont donné leur vie contre l’occupation de 39-45, beaucoup. Venir la banaliser par de banales et déplacées prières de rue, même votre électorat, vous ne le méritez pas.

Et du coup, vous tuez le débat, impossible désormais de pouvoir échanger sur ces prières de rues, et de s’y opposer, sans apparaître comme un frontiste qui s’ignore.

Bien entendu, notre classe politique, dans sa totalité, a condamné vos propos, toutes les associations se sont élevées. Mais pas un seul n’a parlé du fond. Pas un seul n’a parlé à proprement dit de ces fameuses prières. Alors que vont dire les gens que ça « gêne », comme moi ? Et bien ils vont dire que, finalement, le Front National « y dit pas que des conneries », « et puis au moins eux, ils osent parler des problèmes ».

Non, le Front National ne dit que des conneries et ne parle pas des problèmes. Il les crée. Le souci, c’est que l’autre classe politique, LA classe politique, « les normaux », tout ça est de leur faute et ils font la place belle au Front National.

Etait-ce si difficile de dire qu’il ne convient pas de prier dans la rue, certes, mais qu’il est ignoble d’assimiler ça à de l’occupation, ignoble à l’égard de ceux qui ont vécu l’occupation et ignoble par la stigmatisation de ceux qui prient dans la rue ?

Et on constate que notre société est une société qui dit tout, mais pour ne rien dire.
Parlez vrai, soit, mais parlez juste. Ca nous sauvera du Front National. Ca nous sauvera tout court.

3 commentaires:

  1. Bien joué !
    Notre société hypocritement se trompe : fondamentalement elle est dans l'erreur en ne retenant d'un discours que l'insignifiant et non le fondamental ...
    C'est affligeant et grave car face à la dangerosité du langage de cette digne fille de son père, ceux qui ont accès à la parole dans les médias se révèlent incapables d'analyser, ou, craignant de ne pas coller à l'idéologie dominante, se contentent d'un commentaire superficiel et en toute adéquation avec le politiquement correct dont ce pays meurt.
    Encore une fois l'arbre cache la forêt ...
    Anne Bond, envoyé spécial

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  2. totalement en ligne avec Karim sur le fait que Madame LeKhobz (le pain en arabe)nous piege dans le debat en nous enfermant entre les pour et les contres sans places a la nuance. Mais la question de fond est celle des lieux de culte : si on construit des mosquées c'est l'invasion et entorse à la laïcité, si nous n'en construisons pas c'est le culte dans la rue et l'occupation ...
    sommes nous vraiment prêts à accepter que l'Islam est la seconde religion de France ?

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  3. et oui, bien d'accord avec toi titanne, le problème est bien les commentaires superficiels craignant de ne pas coller à l'idéologie dominante, ou d'aborder des sujets difficiles !
    Et comme dit skander, le débat devient sans nuance. L'islam est effectivement la seconde religion de France, une France chrétienne et fille ainée de l'église. vois billet suivant !!!

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