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vendredi 9 janvier 2015

Une horreur, quatre réflexes.

La plume tremblante, le tir doit se faire précis, la frappe chirurgicale. Français par ma mère chrétienne, Tunisien par mon père musulman, être par mon espèce humaine, tels sont mes boucliers pour affronter la folie ambiante.

Réflexe inné : à 11h30 le 7 janvier 2015, lorsque deux ou trois on ne sait pas bien, décérébrés, liquident la liberté de pensées aux cris  d’Allah Akbar, je pleure. Je pleure encore. Les noms des victimes tombent et je pleure encore plus de perdre, un puis deux amis. Je pleure. Prostré, j’essuie les larmes qui me coulent aux paupières. Mes pensées curieusement iront à mon père. Cet homme si bon, si généreux, si ouvert, si intelligent, si courageux. Musulman.

Reflexe acquis : je baisse la tête. Une irrésistible envie de m’excuser auprès du monde, nous ne sommes pas ceux-là, nos croyances ne sont pas ça. C’est horrible, c’est ignoble ce qui est arrivé. Je n’ai pas de mots. S’il vous plait, je vous en supplie, je sais que la peine est immense, le chagrin total, la colère grande, mais de grâce, tentons de ne pas rajouter une autre victime aux tableaux de chasses de ces déjections génétiques, épargnons les musulmans. Tenus en joue par ces deux ou trois terroristes, ne soyez pas ceux qui appuieront sur la gâchette.

Réflexe social : not in my name. Le musulman que je suis se désolidarise.  Responsable mais pas coupable commence t-on à nous dire, nous devons en faire plus. Condamner plus fort. S’invectiver plus fort. Pleurer plus fort. Crier plus fort. Tout admettre. Renoncer à tout. Devenir ce qu’ils veulent. Plus d’identité, plus de souffrances. Se fondre dans la masse. Ces exécutions sont ignobles, tellement ignobles que nos souffrances provoquées par la caricature de nos croyances n’existent plus. Caricaturez à souhaits, moquez à volonté, mais ne nous condamnez pas, nous n’y sommes pour rien, ni nous, ni notre religion. Nous ne dirons plus rien, promis, juré. Non pas juré, nous sommes laïcs. Promis tout court. La liberté d’expression passe par le silence religieux. Nos souffrances, c’est comme nos croyances, nous allons les taire. Puisque nos souffrances, des fous les utilisent à des fins de chaos, nous n’en parlerons plus. Puisqu’on croit même les fous.

Réflexe ion : Responsable de quoi ? Coupable de qui ? Pour me désolidariser, encore eut-il fallu que je sois solidaire. Outrecuidante pression sociale. Je m’indigne, je hurle ma douleur, je cri mon désespoir, tout simplement parce que je suis un être humain.

Que certains laïcs et ces athées me voient comme un musulman. Soit et c’est leur droit religieux, ceux là qui voient la religion partout. Mais ils en oublient qu’un musulman, c’est aussi, c’est avant tout un être humain. Je les considère comme mes semblables, ils m’instaurent différent, sans réaliser que c’est la laïcité qu’ils blasphèment. Je passe d’alibi social à responsable sociétal.

C’est ignoble. C’est horrible. C’est insensé ce qui c’est passé. J’ai envie de hurler pardon, j’ai honte, tétanisé, prostré par ce que deux ou trois  individus qui partagent avec moi un génome humain ont fait. Peu importe qu’ils l’aient fait au nom de leur islam, le crime aurait été aussi grave quelques soient les circonstances. L’islamisation de cette tuerie n’est pas une circonstance aggravante, elle ne peut pas être plus grave.

L’islamisation de cette tuerie n’est pas crédible, aucune tuerie ne trouvera crédit en quelconque cause. L’islamisation est une manipulation ; elle fait partie de leur dessein. Mais cette partition ne sera plus jouée par eux. Ils n’ont fait que donner le la. Combien entonneront leur musique ?

Le caractère odieux n’est pas lié au motif du crime, mais à ces auteurs ;  des Hommes. Qu’ils s’attaquent à des journalistes, ce n’est pas une circonstance, c’est une victime supplémentaire qui est touchée ; la liberté d’expression.

J’accorde le même crédit à leurs propos qu’à leurs agissements, aucun. Alors quoi, je condamne parce qu’ils sont condamnables, ces raclures de bidets, mais en revanche je dois prendre pour argent comptant, lorsqu’ils se revendiquent musulmans ? C’est curieux de voir à quel point le discrédit de leurs méthodes crédite pour certains leur appartenance musulmane.

Je ne vous demanderais pas pardon de souffrir autant que vous, d’être horrifié comme vous, d’être prostré comme vous. Je ne vous demanderai pas pardon parce que je suis votre semblable, animé par la même révolte.

Ces invertébrés ont voulu tuer la liberté d’expression et façonner l’islam à leur folie. Je ne les suivrais dans aucune de ces deux voies.

Le débat n’est plus sur le bien fondé ou non des caricatures, vous ne m’entrainerez pas ce sur terrain, et précisément c’est parce qu’il a débat sur le bien fondé de ces caricatures, que c’est la liberté d’expression qui est en jeu. Où serait alors l’enjeu de cette liberté si le sujet faisait l’unanimité ?

La liberté de pensée, et de l’expression de cette pensée, trouve sa substantifique moelle dans l’opposition de deux opinions contraires. Mes contradicteurs sont les garants de cette liberté. En tuant ceux avec qui je n’étais pas d’accord, ces terroristes de l’espèce humaine, viennent de me supprimer un pan de cette liberté.


Je ne vous demanderais pas pardon car nous sommes tous des êtres humains, et que nos valeurs humaines communes peuvent cohabiter dans une expression différente. C’est mon principe. Des gens ont été exécutés parce que, eux aussi, ont eux la naïveté de le panser.