Je vous livre ici, une reflexion écrite au cours d'une nuit d'insomnie, je vous la livre telle qu'elle, même si là, en plein jour, Inhibition et pudeur oblige, j'en aurait modifié les trois quart. .
On
passe de folles journées en Tunisie depuis la révolution.
Ca
commence comme tout être humain par le réveil. Ce qui est plutôt bon signe, il
paraît que l’avenir appartient à ceux là. Plein d’entrain et d’optimisme, grâce
à une régénérescence des cellules, exacerbée par la présence dans cette couche encore
chaude de l’être aimé, attisée par l’inqualifiable bonheur de voir ses enfants
somnolant dans leurs lits, cristallisant sur leurs
visages endormis toute la beauté, la pureté et la naïveté du monde, on se lève donc pour siroter cette nouvelle journée en commençant par engouffrer un café.
visages endormis toute la beauté, la pureté et la naïveté du monde, on se lève donc pour siroter cette nouvelle journée en commençant par engouffrer un café.
Les
plus téméraires l’accompagneront d’une cigarette. Car affronter la vie sans
péril, on la perdra sans gloire.
Vient
le temps de prendre des nouvelles de dehors. Les gens ordinaires allument la
radio, les mieux lotis la télé. En Tunisie, c’est soit le voisin, qui, attiré
par l’ouverture des volets vient nous informer des dernières nouveautés par le
biais de la rumeur collective, soit le coup de fil à un ami, réveillé avant vous,
donc déjà dépressif, qui nous relatera les derniers faits forcément tragiques,
les dernières nouvelles nécessairement mauvaises, les dernières analyses de
facto alarmantes.
Si
par extraordinaire le voisin n’est pas chez lui, si par miracle votre téléphone
est vide d’unité et qu’aucune âme charitable ne vous a envoyé par erreur ou en
connaissance de cause 1 dinar, il vous reste twitter et facebook. Le poids des
mots, en 140 caractères, le choc des photos en lien Youtube.
En
vrac.
Vous
aurez les agitations à l’assemblée nationale constituante, qui n’est ni
assemblée vu le taux de présence, ni nationale vu son manque de légitimité,
mais constituante, c’est vrai, notamment de la chienlit au sens
gaullien du terme.
Vous
aurez les bien-pensants qui viendront livrer une analyse, toujours la même, qui
consistera à nous expliquer que les bien-pensants ne sont pas conscients des
réalités, que les bien-pensants sont déconnectés des préoccupations des vrais
tunisiens, car les bien-pensants sont de faux tunisiens.
Les
bien-pensants vont nous expliquer que la vraie Tunisie n’est pas celle dans
laquelle vivent les bien-pensants, parce qu’il y a une fausse Tunisie dans
laquelle vivent les faux tunisiens.
Et
pour finir de légitimer son discours bien-pensant, le bien-pensant va s’inclure
dans le groupe des bien-pensants, parce qu’il n’y a pas d’Histoire sans
rédemption, et qu’il n’y a pas de rédemption sans absolution, et qu’il n’y a
pas d’absolution si tu n’as pas 83 likes, ou 17 retweets.
Deuxième
cigarette, là, non pour perde avec gloire, mais pour perdre tout court.
Mais il te reste encore de l’énergie, après tout, ton réveil ne date que d’une demie heure.
Alors
tu te dis que ce bien-pensant est bien gentil, mais ça fait deux ans qu’il
répète la même chose. Que ca fait deux ans que tout ces bien-pensant s’accordent sur le fait que la Tunisie est une nation composée de classes
sociales, différentes, de régions, différentes. Découverte s’il en faut. Scoop
s’il en est.
Ca
fait deux ans que les bien-pensant pensent et ils pensent tellement les
bien-pensants, ils pensent et ils le font tellement bien, que, eux, les bien-pensants, sont
dispensés d’agir.
Sans
blaguer, vous autres les bien-pensants, je vais vous suivre trois secondes dans
votre raisonnement. Ok, il y a deux Tunisie, la mieux loti et la moins loti. Ok
il y a deux types de tunisiens, les mieux lotis et les moins lotis. Et
après ? Une fois qu’on a dit ça ? On se flagelle ? On fait vœux
de pauvreté ? Le bien-pensant, tu penses peut-être bien, mais qu’est ce
que tu panses mal.
Bon
ceci étant dit, tu es un peu responsable de to humeur qui se détériore; après tout, sur les réseaux sociaux, tu
as les amis que tu mérites. Mais comme tu n’es pas complètement schizophrène,
même si les enturbannés du ciboulot déploient une énergie considérable pour ça,
tu as quelques relations qui ont cet
humour tunisien totalement incroyable.
Ce
bon mot au bon moment, le gout de la métaphore humoristique, et entre trois
vidéos de prêches sauvages, d’appels à des dons de sang pour la petite
Kaouther, qui a deux ans depuis 4 ans, qui traine une leucémie depuis 5 ans, et
qui attend depuis 3 ans sa transfusion, entre les invitations à jouer à faire la guerre, à partager des armées,
à prêter une moissonneuse batteuse, à intégrer un clan d’une
mafia quelconque, entre les invitations aux évènements les plus farfelus, les adhésions automatiques aux groupes les
plus obscurs, et les soutient aux causes les plus perdues, tu vas dénicher le statut qui va te remettre dans
le droit chemin de l’humeur nécessaire à affronter ce qui reste de ta journée
qui commence.
En
somme tu sors de chez toi, conscient de la situation inextricable dans laquelle
est le pays, et tu trouves ça drôle.
Mais
tu ne résisteras pas au reste de la journée. A l’information de dix-septième
main de ton collègue de bureau qui va t’annoncer qu’Ennehda vient de recevoir
du Qatar, en espèces sonnantes et trébuchantes 450 millions de dinars. Ne
calcule pas, je te donne l’information; depuis la révolution le Qatar a dépensé
onze fois son PIB en soutient à Ennahada. Tu ne résisteras pas au serveur chez le
« cassecrouteji » qui a un cousin qui travaille au ministère de
l’intérieur et qui sait que les élections n’auront pas lieu avant 2027. Ne
calcule pas non plus, la moitié du ministère de l’intérieur est composée de
cousins de cassecrouteji, l’autre moitié étant les cousins des taxistes.
Tu
ne résisteras au regard de ce barbu qui va te mépriser car tu ne pries pas à l’heure de la prière, lequel barbu est le cousin d’un type qui travaille au ministère
de l’intérieur. Et lequel barbu ne prie pas non plus puisque tu le croises à
l’heure de la prière. Tu ne résisteras pas au regard de cette femme dont tu ne
vois pas le regard. Tu ne résisteras pas à l’ambiance de crise au bureau, à
l’ambiance de crise dans les institutions, à l’ambiance de crise dans la
politique, à l’ambiance de crise dans tes nerfs.
Et
le soir, tu rentres chez toi, proche du burn out, du break down, ayant perdu
dans cette traversé de la vie, tout espoir d’un lendemain quelque fut-il.
Mais
voilà, c’est sans compter sur le pouvoir régénérant de l’être aimé, de la vie qui s’exprime à travers la vitalité
des enfants, des bons mots de Beji Caied Essebsi à l’émission politique du
soir.
Et
tel le Phenix, tu renais de tes cendres, ta moitié t’a insufflé l’amour, tes
enfants t’ont insufflé la vie, et Beji Caid Essebsi de l’espoir.
Et là, alors que tu atteignais le paroxysme du renoncement, là, tu te dis que la vie c’est bien parce que les femmes la partagent, les petits la
découvrent, les moins jeunes la connaissent et les cons la consomment.
Et
au moment de t’endormir, avant ton dernier clignement d’œil, ta dernière pensée
sera pour cet incroyable pays, cet incroyable peuple, grâce à qui tu auras pu
vivre tous ces évènements dans une même journée. Ce pays qui t'as fait toucher la schizophrénie du point du doigt sans la palper, ce pays qui boucle tes névroses sans les friser.
Tu
te diras que la réalité n’est pas moins virtuelle que les réseaux sociaux, que
l’information n'est pas moins fausse que la rumeur, que le blanc et le noir
sont tous deux liés à un jeu de réflexion de la lumière et que les flux et
reflux sont le fruit de l’attraction lunaire.
Tu
prendras alors ta moitié dans tes bras, et c’est la vie que tu enlaceras.
Tu
feras tout ça, et te t’endormiras sans avoir pu te demander si l'autre tout ça est dans
l’ordre naturel des choses, S’il est normal que les enfants t’insufflent la vie,
et si ca ne devrait pas être l’inverse, si c’est normal que ta moitié t’insuffle l’amour
et si ca ne devrait pas être l’inverse, et si c’est normal que ce soit l’Ancien
qui t’insuffle l’espoir et si ca ne devrait pas être l’inverse.
L’essentiel
n’est donc pas dans le fait que chacun soit dans son rôle, mais que chacun ai
un rôle.
Bonne nuit.
L'Amour c'est la Vie... Et la Vie n'a de sens qu'avec Amour. L'être humain met toute sa vie à saisir la profondeur de ce sens... S'il lui est donné le privilège de l'éveil pour en saisir un jour le sens. Merci pour cet article Karim où tu décris si bien l'amour des tiens à travers le temps tunisien et la sagesse du temps...
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