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mardi 25 octobre 2011

Tunisie pourquoi ? Mais Pourquoi quoi ?


Je prends la plume cette fois-ci, et non le clavier. Je recopierai après. Mais la plume est nécessaire, il faut que j’écrive avec quelque chose d’aiguisé, de contendant. Si je pouvais j’aurai pris un scalpel, tellement la précision du chirurgien est nécessaire.

La Tunisie… Sa capitale, Tunis, la verte, l’appelle t-on, en raison de sa verdure. Mais Tunis a, nous dit-on, déteint sur le pays, et le Monde aidé par certains de nos fins analystes politiques, se fait peur en jetant un voile toujours vert sur
tout le pays… un voile islamique.

On aurait ainsi perdu notre bonne étoile, on pourrait ainsi mettre une croix sur nos libertés, mais le monde continuera de tourner. On éclaire ailleurs, next, un autre pays, un terrain de jeu différent. Les sujets pour se faire peur ne manquent pas. Et la peur c’est bien connu, ça annihile, ça empêche de réfléchir. Il y a déjà quelques illuminés ici et là qui se font passer pour des indignés, qui ont décidé de remettre en cause le principe fondateur de nos sociétés modernes, le pouvoir. Il ne s’agirait pas non plus que ça s’étende. Alors focale sur les crises, focale sur les banques, focale sur l’argent qui manque, focale sur la misère, focale sur la précarité. Noircir le tableau. Brouiller l'avenir. Mélanger les cartes. Tout ce qui est lisible va dans le sens du possible, qu'ils restent illettrés, qu'on reste illettré.

Et en Tunisie, on est donc avec nos illuminés du Livre, la peur au ventre, et certains songent déjà à prendre le maquis, a demander l’asile politique à l’Afghanistan parce qu’on final même là bas, ça reste moins dangereux.

Je vais vous dire juste une petite chose mes amis, une toute petite chose, à titre liminaire, comme ça en passant. Je ne veux pas faire de vagues, alors je vais le glisser discrètement, et puis on passera au cœur du sujet ensuite.  Ne demandez surtout pas l’asile politique à la France, au vieux continent ou encore à l’Angleterre, qu’il convient semble t-il de distinguer de l’Europe, parce que si vous voulez fuir les islamistes, là bas, ce sont des vrais. Des purs, des durs, des tatoués. Ils en fabriquent à la pelle, chaque jour un peu plus, chaque jour un peu plus extrémiste. Les mecs, là-bas, quand ils vont dans une assemblée, c’est pour essayer de se faire sauter. Bref, en Tunisie dans vingt ans si ça continue, mais dans vingt ans tout de même. Alors, pour le moment, abritez-vous en Tunisie, ne paniquez pas, et surtout, surtout, stoppez immédiatement ce processus de fabrication d’extrémistes qui est en train d'être mis en oeuvre.

Ceci étant dit, après avoir traité de la poutre des ceux là, qu’en est-il de l'aiguille de ceux-ci ?

Beaucoup de micro-analyses, des détails, des explications, des rationalisations, et une seule quête à chaque fois, mais pourquoi ? Alors parlons du Pourquoi. Pourquoi quoi ?

Permettez-moi tout d’abord de retirer le voile vert qu’on a jeté sur la Tunisie. Parce qu’il n’y a pas de raison que dans tous les pays du monde le noyau dur du vote extrémistes n’excède pas 5% et qu'en Tunisie, il soit de 30%, 40%, 50% et j’ai même lu 60% de dérangés. Considérons donc qu'en Tunisie, ils ne dérogent pas à la règle, est que 5% des électeurs du parti islamiste sont des illuminés complets, ne songeant qu’à en découdre avec tous les pécheurs, c’est à dire à peu près tous. Et comme ils le sont aussi, en général, ils profitent, je l’ai déjà dit, pour se faire également la belle, au paradis pensent-ils, où 40 vierges les attendent. Mis à part ces 5% là, pour les autres il va falloir se creuser la tête pour trouver une explication.

Elle existe, et elles sont mêmes plusieurs. Mais on ne va pas mâcher le travail des politiques non plus, et ça serait trop long à expliquer dans le détail. Peut être un autre billet.

En substance toutefois, le fait est que celle-là, c’est à dire l’extrême majorité du vote nahdiste, n’est absolument pas prête à renoncer à un quelconque centimètre carré de ses droits, de ses libertés. En revanche, aujourd’hui, elle, toujours cette extrême majorité du vote nahdiste, elle a donc plus, prononcez le S, confiance en la religion qu’en la politique.

Et qui leur en voudrait, sincèrement.

Ennahda s’est engagée, dans sa campagne, à ne rien changer des libertés et des droits acquis, enfin surtout ceux des femmes. Comme l’a dit si bien leur chef, et on peut lui retourne l’argument, le peuple a fait tomber un gouvernement, il peut en faire tomber 10. Et lui inclus. Donc croyez-moi il ne s’amusera pas à jouer avec le feu … pas tout de suite… pas lui. 

D’ailleurs, soit-dit en passant, ce n’est pas un mais deux gouvernements qui a été tombé. Celui de Ben Ali, et un mois plus tard, celui de Ghannouchi qui, au passage du passant, a laissé en héritage une seule des revendications des kasbistes 2; l’assemblée constituante. Rappelons qu’il y avait nombre d’autres doléances, toujours insatisfaites.

Comprenons donc que les électeurs d’Ennahda ont notamment un problème de confiance avec la politique, et ce n’est pas en les diabolisant qu’on va les mettre en confiance. Je vois d’ici l’argument électoraliste infaillible « vous voyez comme ils vous traitent ? vous voyez comme ils traitent les musulmans ? Ils ne vous respectent pas. Ils ne vous respecteront jamais. Ils ne s’occuperont jamais de vous car jamais personne ne s’est occupé de vous … à part nous ».

Diabolisez cet électorat et vous le radicaliserez. Regardez au-delà de nos frontières. En France. On a diabolisé l’Islam, on a diabolisé les banlieues. La plupart se sont radicalisés.

J’ai beaucoup de respect pour les électeurs d’Ennahda, et j’ai bien compris qu’ils ont peur, qu’ils ont besoin d’être rassuré sur l’avenir, sur leur avenir, qu’ils veulent et souhaitent vivre dans une société qu’ils continueront à comprendre, qui s’occupera d’eux, qui les écoutera. Ils ne veulent pas, et sans doute plus, évoluer dans un système qui leur échappe. Ils ont peur d'être broyé, détruit par le monde qui les entoure, et qu'on ne comprend plus. Ils se réfugient dans leur culture, dans leurs traditions, cherchent un dénominateur commun qui va leur permettre d'avoir confiance en l'Homme. Ils l'ont trouvé dans leur Croyance. Ceux là pensent comme nous, ceux là nous comprennent disent-ils, ceux là ne nous trahiront pas, car nous avons les mêmes valeurs.

Mais qu'ils n'aillent pas s'imaginer qu'ils tiennent leur pouvoir du Livre. Dieu a fait l'Homme, mais ce sont les Hommes qui font les Hommes politiques ... et les défont.

Il n’en demeure pas moins qu’ennhada n’a pas obtenu de majorité absolue à l’assemblée constituante, et qu’on le veuille ou non, elle n’a, au final, recueilli qu’un vote minoritaire. 

Ainsi la première ou l’une des premières élections libres dans un pays arabe, maghrébin pour être plus précis, musulman à 99,8%, sur une population de 7,5 millions de votants, il y a 5,7 millions de personnes qui ne leur ont pas donné leurs voix, soit qu’ils n’ont pas voté, soit qu’ils ont voté autre chose.

Ensuite on évoque la victoire du premier. Je suis navré mais en politique, le vainqueur est celui qui gouverne. Et celui qui gouverne, s’il a besoin d’une alliance pour gouverner, et bien il n’est tout simplement pas vainqueur. Parlez-en aux belges, ils vous expliqueront. La démocratie ce n’est ni plus ni moins qu’une dictateur de la majorité. Nous sommes en train de perpétuer un concept que nous connaissons bien en Tunisie, en considérant, parce qu’on arrive premier, qu'une minorité peut gouverner. 

Non il n’y pas eu da vague verte en Tunisie, de la même manière que, bien qu’on l’ai entendu pendant 23 ans, non Ben Ali n’a jamais été adoubé par son peuple. Alors cessons et cessez de vouloir nous imposer une minorité gouvernante.

Ennhada n’est pas plus vainqueur des élections que Ben Ali. Le second parce qu’il trichait, le premier parce qu’il ne représente pas la majorité des électeurs. Redite, mais redite nécessaire, dans un scrutin a un tour, si le premier n’a pas de majorité absolue, il n’est pas vainqueur, il n’est que premier. C’est rhétorique, mais c’est important pour nous. Car la rhétorique, on en fait ce qu’on veut. Et notamment dire que tout les autres ont réussi à tenir en échec ennahda qui ne dégage pas de majorité absolue.

Ben Ali truquait les élections mais aurait sans doute fait 30 ou 40%.  Il faisait mentir les urnes pour pouvoir gouverner. Et maintenant que les urnes ne mentent plus, on décale le curseur, et on fait mentir la rhétorique, les chiffres, et on décide qu’une minorité a gagné. Non. Elle est juste première.

Oui ennahda est la première force politique du pays, oui le message doit être analysé, étudié et pris en compte. Mais elle ne représente qu’un peu plus du tiers des votants. Elle ne dirigera donc pas les deux autres tiers. Et elle ne dirigera pas tout court d'ailleurs. Personne.

Et ainsi ce scrutin est remarquable, car il est exactement à l’image de ce que finalement nous voulions fondamentalement. Personne n’a les pleins pouvoirs, et chacun devra composer. Aucun point de vue ne pourra triompher sur l’autre, et personne n’a la légitimité de la majorité du peuple.

Comprenez bien, les tunisiens ont voté dans leurs diversité, accordant une première place à leur culture qu’est l’islam, mais ce n’est qu’une place première, elle n’est ni exclusive, ni majoritaire. Ainsi donc le peuple dans sa diversité veille, et souvenez-vous, il a su s'unir pour lutter contre les débordements de Ben Ali, il a su s'unir pour aller voter en masse. Ne vous méprenez pas, ils ne votent peut-être pas tous pareil, mais ils sont capables de se retrouver tous ensemble si on leur a menti. Si on les a trompé. Et cette fois-ci, ils n’attendront pas 23 ans.

La Tunisie reste un exemple, un modèle, et elle peut désormais rajouter à ses prix celui de la diversité, car elle a su, dans une sorte de génie du vote, génie non concerté, accorder une place à chacun, en donnant la première aux plus circonspects des votants qui préfèrent s’en remettre, pour le moment, à ceux qu’ils pensent comprendre, maitriser.  Non il n’y a pas eu de vague verte en Tunisie, ça s’appelle la pluralité.  

Ils n’ont pas abdiqué, au contraire.  Alors, élus, soyez vigilants, parce que le peuple l’est, et il est uni. Divers mais uni.

Ceci étant dit, on peut passer à l'analyse en détail. Prochain billet. Ou pas.

6 commentaires:

  1. si tu ne veux pas faire de politique en tunisie, c'est que tu es un sale egoiste! parce que franchement tu as tout compris, tu parles bien. alors vas-y, sinon on va te forcer. Zeyneb

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  2. Il y a une chance que EL Aridha et Ennahdha parviennent à plus de 50% des voix... Sachant qu'El Hachemi est un ex-nahdhaouiste reconverti au RCD (c'est bien là le résultat le plus incompréhensible...), il est tout à fait possible qu'Ennahdha et El Aridha gouvernent seuls... Et permettez-moi d'affirmer qu'El Aridha et Ennahdha, c'est du pareil au même (je préférerais même Ennahdha à El Aridha...)

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  3. En France. On a diabolisé l’Islam...

    On a pas besoin de diaboliser l'islam, ça se diabolise tout seul !

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  4. @20h16 :

    T'es un grand mâlin toi...( accent circonflexe volontaire cf "le mâlin")

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  5. FYI :

    Contondant (et non contendant) se dit d'un objet que écrase mais ne coupe pas et ne perce pas.
    Une massue est un objet contondant, pas un rasoir (à moins vraiment de taper longtemps et fortement..)

    :)
    Sans rancune, beaucoup font cette erreur.

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  6. Je lis ton billet en regardant l'émission "C'est dans l'air " spécial Tunisie. L'intervenant français a tout compris."Il y en a beaucoup plus à Paris qu'à Tunis" dit-il parlant des radicaux islamistes. Par contre Mohamed Sifaoui comme d'habitude , passe à côté de la plaque.
    Sincèrement, Karim, je t'avais déjà demandé via twitter de franchir le pas. Lance-toi mon vieux, ne serait-ce qu'en tant que conseiller politique, pour débuter, si tu ne veux pas trop te mouiller...et je t'assure que pour avoir suivi de très près la chose politique en Tunisie, je peux te garantir que le plus intègre en ce moment c'est Dr Moncef MARZOUKI...rapproche-toi de son parti...
    Femme Rebelle

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