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samedi 7 décembre 2013

Président, il est temps de se dire au revoir

Monsieur le Président, vous appelez à une union nationale. Permettez-moi, de gré ou de force, vos amis connaissent cette méthode, de vous toucher deux trois des maux qui se passent.
Tout a commencé non pas avec l'assassinat de Mohamed Brahmi, ni après celui de Chokri Belaid,. Ceux-là, les assassinats, sont vos échecs, ceux là, les personnes, sont nos martyrs, le drame est national, sa responsabilité vous incombe. Non, tout a commencé en 2008, dans le bassin minier de Gafsa, tout s'est amplifié en décembre 2010 par l'embrasement de plusieurs sinon la
plupart des villes tunisiennes. Tout s'est cristallisé sur l'immolation de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010.
Le 14 janvier 2011, Ben Ali fuyait, bon gré mal gré, la Tunisie et c'était la fin de l'acte 1 de ce que les commentateurs en mal de métaphores appelleraient la révolution du Jasmin. Elle n'eut du jasmin que le nom, quelques 300 morts furent à déplorer, furent à pleurer.
Permettez-moi une parenthèse. Vos amis qui s'érigent en garant de la révolution, accusant à tour de bras ceux-ci ou ceux-là de vouloir porter atteinte à la révolution, de la confisquer, de la détourner, ceux-là, Monsieur le Président, ont brillé par leurs absences lors de cette révolution. Et bien que longue, c'est à leur barbe qu'elle est passée, cette révolution. Et quant au nez, ils n'ont même pas eu celui de la voir venir.
Elections. Faible participation. Le parti islamiste, vos amis susmentionnés, arrivent en tête avec une majorité relative, le contraignant à aller chercher une coalition de gouvernance et à s'appuyer sur vous, puisque vous vous êtes appuyé sur eux pour être élu. Mais leurs barbichettes ne vous a pas permis de les tenir, et ce sont eux, et eux seuls, qui dirigent pleinement, vous laissant dans un malheureux rôle de gesticulation, vous l'opposant d'hier, devenu l'alibi d'aujourd'hui pour ceux-là.
L'opposition en opposition se mobilise pour s'opposer. La société civile fera le plus gros du travail, pendant que les partis dans les arcanes de leurs sièges négocient une alliance qui se fait et défait au gré des saisons, devenue impossible à suivre, même pour les fins limiers de la politique. En somme, une fausse troïka, manœuvrée depuis Montplaisir, une opposition qui se disloque à chaque nouvelle alliance, et un peuple qui ne peut compter, et qui ne comptera, que sur lui-même.
Deux ans plus tard, alors que les Tunisiens votèrent en son temps pour une Assemblée constituante, rien n'est constitué. Deux ans plus tard, alors que les Tunisiens acceptèrent plus ou moins un gouvernement partisan nommé par des personnes pourtant élues pour écrire une Constitution, et non pour désigner un gouvernement, deux ans plus tard, ce gouvernement n'a rien gouverné.
Monsieur Le Président, nous avons voté pour des députés dont la mission, nous disait-on, était d'écrire une Constitution. Il n'a jamais été question que ce parlement désigne un Président ou nomme un gouvernement, et en aucun cas gère indirectement les affaires du pays. Monsieur le Président, ce fut la première rupture du pacte républicain, le premier hold-up de ce scrutin.
La seule chose qui fut constituée depuis, c'est la ruine de ce pays, et à tout point de vue. Nous vous avons remis les clés de la Constitution, vous avez pris celle du pays.
Et depuis, les déficits n'ont jamais été aussi abyssaux, le chômage aussi important et l'insécurité aussi présente, malgré un appareil sécuritaire usant de violences inouïes (on se souviendra notamment de la répression de la manifestation du 9 avril 2012), et un pouvoir en manque de légitimité qui n'a jamais réussi à ne serait-ce qu'orienter la politique de ce pays.
Les attaques viennent de partout, autant de l'intérieur que de l'extérieur. Député, leader de l'opposition, policier et mêmes militaires se font assassinés, en pleine rue, en pleine montagne, pour une idée, pour avoir fait leur travail, pour défendre notre territoire.
Les assassins, les commanditaires, les complices, les instigateurs, tous courent toujours. Régulièrement des noms sont sortis, jamais des personnes n'ont été emprisonnées.
Enfin, si. Amina, qui a montré ses seins, à tord ou à raison. Weld el 15, pour une chanson. Jabeur, pour un statut sur Facebook. Une fille violée par trois policiers sera même poursuivie pour atteinte à la pudeur. Ceux-là, on les embastille, avant tout procès, parce que la préventive est de mise, et que les atteintes qu'ils portent à l'ordre public impose une privation de liberté le temps que justice se fasse. C'est du moins le point de vue de vos associés au pouvoir.
Et vous appelez à nous unir autour de vous?
Pour mémoire, Monsieur le Président, vous avez vous-même, le 25 mars 2013, promis un bain de sang et une pendaison haute et courte aux laïcs s'ils venaient à prendre le pouvoir de quelque manière que ce soit. Vous avez vous même dit que les seuls remparts à la sécurité des laïcs étaient vous-même, Monsieur le Président, votre homologue le sieur Ghannouchi et votre pendant, Monsieur Ben Jaâfar.
Et, même là, vous n'êtes le rempart de rien du tout. Les laïcs sont assassinés alors même qu'ils ne sont pas au pouvoir. Et votre discours sonne aujourd'hui sinon comme un signal à peine caché aux terroristes afin qu'ils donnent un petit aperçu de ce dont ils sont capables, du moins comme un aveu d'échec.
Coupable ou responsable, victime ou complice, le fait est que cette situation, ces situations en Tunisie signent l'échec total du pouvoir. Que vous l'ayez fait exprès ou non, Monsieur le Président, et je fais parti de ceux qui pensent que tout ceci n'est que le fruit de votre profonde incompétence, ca ne fait passer ces crimes que de volontaires à involontaires. Mais ces crimes sont votre bilan, et vous comprendrez aisément qu'il n'est pas question que nous nous unissions derrière vous pour en assumer la responsabilité. Il est au contraire de notre responsabilité de solliciter de votre bienveillance votre départ afin que des experts puissent tenter d'enrayer cette spirale infernale.
Oui, Monsieur le Président, il faut nous unir, et vos pouvez rejoindre les rangs de cette union. Mais vous n'en serez pas acteur. On a vu ce que cela donnait.
Deux ans après, point de Constitution, deux ans après, des gouvernants bien assis dans leurs ministères mais point de gouvernance.
Alors, oui, Monsieur le Président, vous avez parfaitement saisi le sens de la gronde populaire qui gagne le pays, il faut une union. Cette gronde réclame une union. Et cette union passe par le départ de ceux qui alimentent, qui attisent, qui jouent sur la division. Et quand bien même vous n'en jouiez pas, vous en jouissez. Elle vous sert car la division sert celui qui est au pouvoir à y rester, et non ceux dans l'opposition à y parvenir.
Monsieur le Président, vous et l'équipe dont vous êtes issus, avez échoué. Sur tout et pour tout. De vos promesses électorales, vous n'avez que promu les promettants, de vos engagements, vous n'avez engagé que votre clan. Et tous les projets ne font qu'attendre à raison de peut-être, alors que le peuple n'arrive même plus à être. Vous avez asphyxié le pays, les libertés, l'économie, les familles, les manifestants il va sans dire, et l'avenir de ce pays. Vous avez tiré la couverture à vous, du plomb sur le peuple, vous avez tiré vers le bas la tête de ce peuple qui l'avait rehaussé. Vous avez échoué et c'est le peuple qui est contraint de ramer.
Monsieur le Président, votre bilan est là, et malgré tous vos discours, toute votre rhétorique, l'écran de fumée jetée sur les manifestants comme sur vos travaux, rien n'a été fait.
Il faut maintenant se retirer, sagement, dignement. Démissionnez maintenant, il est encore temps pour vous de sortir de la préhistoire et d'entrer dans l'Histoire. Inutile de nous proposer un énième gouvernement, un centième calendrier, une millième promesse. On va désormais faire par nous-même si vous le permettez. Et même si vous ne le permettez pas.

Monsieur le Président, je crois qu'il est temps de se dire au revoir. Ayez l'amabilité de nous saluer.

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