Monsieur
le Président, vous appelez à une union nationale. Permettez-moi, de gré ou de
force, vos amis connaissent cette méthode, de vous toucher deux trois des maux
qui se passent.
Tout
a commencé non pas avec l'assassinat de Mohamed Brahmi, ni après celui de
Chokri Belaid,. Ceux-là, les assassinats, sont vos échecs, ceux là, les
personnes, sont nos martyrs, le drame est national, sa responsabilité vous
incombe. Non, tout a commencé en 2008, dans le bassin minier de Gafsa, tout
s'est amplifié en décembre 2010 par l'embrasement de plusieurs sinon la
plupart des villes tunisiennes. Tout s'est cristallisé sur l'immolation de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010.
plupart des villes tunisiennes. Tout s'est cristallisé sur l'immolation de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010.
Le
14 janvier 2011, Ben Ali fuyait, bon gré mal gré, la Tunisie et c'était la fin
de l'acte 1 de ce que les commentateurs en mal de métaphores appelleraient la
révolution du Jasmin. Elle n'eut du jasmin que le nom, quelques 300 morts
furent à déplorer, furent à pleurer.
Permettez-moi
une parenthèse. Vos amis qui s'érigent en garant de la révolution, accusant à
tour de bras ceux-ci ou ceux-là de vouloir porter atteinte à la révolution, de
la confisquer, de la détourner, ceux-là, Monsieur le Président, ont brillé par
leurs absences lors de cette révolution. Et bien que longue, c'est à leur barbe
qu'elle est passée, cette révolution. Et quant au nez, ils n'ont même pas eu
celui de la voir venir.
Elections.
Faible participation. Le parti islamiste, vos amis susmentionnés, arrivent en
tête avec une majorité relative, le contraignant à aller chercher une coalition
de gouvernance et à s'appuyer sur vous, puisque vous vous êtes appuyé sur eux
pour être élu. Mais leurs barbichettes ne vous a pas permis de les tenir, et ce
sont eux, et eux seuls, qui dirigent pleinement, vous laissant dans un
malheureux rôle de gesticulation, vous l'opposant d'hier, devenu l'alibi
d'aujourd'hui pour ceux-là.
L'opposition
en opposition se mobilise pour s'opposer. La société civile fera le plus gros
du travail, pendant que les partis dans les arcanes de leurs sièges négocient
une alliance qui se fait et défait au gré des saisons, devenue impossible à
suivre, même pour les fins limiers de la politique. En somme, une fausse
troïka, manœuvrée depuis Montplaisir, une opposition qui se disloque à chaque
nouvelle alliance, et un peuple qui ne peut compter, et qui ne comptera, que
sur lui-même.
Deux
ans plus tard, alors que les Tunisiens votèrent en son temps pour une Assemblée
constituante, rien n'est constitué. Deux ans plus tard, alors que les Tunisiens
acceptèrent plus ou moins un gouvernement partisan nommé par des personnes
pourtant élues pour écrire une Constitution, et non pour désigner un
gouvernement, deux ans plus tard, ce gouvernement n'a rien gouverné.
Monsieur
Le Président, nous avons voté pour des députés dont la mission, nous disait-on,
était d'écrire une Constitution. Il n'a jamais été question que ce parlement
désigne un Président ou nomme un gouvernement, et en aucun cas gère
indirectement les affaires du pays. Monsieur le Président, ce fut la première
rupture du pacte républicain, le premier hold-up de ce scrutin.
La
seule chose qui fut constituée depuis, c'est la ruine de ce pays, et à tout
point de vue. Nous vous avons remis les clés de la Constitution, vous avez pris
celle du pays.
Et
depuis, les déficits n'ont jamais été aussi abyssaux, le chômage aussi
important et l'insécurité aussi présente, malgré un appareil sécuritaire usant
de violences inouïes (on se souviendra notamment de la répression de la manifestation
du 9 avril 2012), et un pouvoir en manque de légitimité qui n'a jamais réussi à
ne serait-ce qu'orienter la politique de ce pays.
Les
attaques viennent de partout, autant de l'intérieur que de l'extérieur. Député,
leader de l'opposition, policier et mêmes militaires se font assassinés, en
pleine rue, en pleine montagne, pour une idée, pour avoir fait leur travail,
pour défendre notre territoire.
Les
assassins, les commanditaires, les complices, les instigateurs, tous courent
toujours. Régulièrement des noms sont sortis, jamais des personnes n'ont été
emprisonnées.
Enfin,
si. Amina, qui a montré ses seins, à tord ou à raison. Weld el 15, pour une
chanson. Jabeur, pour un statut sur Facebook. Une fille violée par trois
policiers sera même poursuivie pour atteinte à la pudeur. Ceux-là, on les
embastille, avant tout procès, parce que la préventive est de mise, et que les
atteintes qu'ils portent à l'ordre public impose une privation de liberté le
temps que justice se fasse. C'est du moins le point de vue de vos associés au
pouvoir.
Et
vous appelez à nous unir autour de vous?
Pour
mémoire, Monsieur le Président, vous avez vous-même, le 25 mars 2013, promis un
bain de sang et une pendaison haute et courte aux laïcs s'ils venaient à
prendre le pouvoir de quelque manière que ce soit. Vous avez vous même dit que
les seuls remparts à la sécurité des laïcs étaient vous-même, Monsieur le
Président, votre homologue le sieur Ghannouchi et votre pendant, Monsieur Ben
Jaâfar.
Et,
même là, vous n'êtes le rempart de rien du tout. Les laïcs sont assassinés
alors même qu'ils ne sont pas au pouvoir. Et votre discours sonne aujourd'hui
sinon comme un signal à peine caché aux terroristes afin qu'ils donnent un
petit aperçu de ce dont ils sont capables, du moins comme un aveu d'échec.
Coupable
ou responsable, victime ou complice, le fait est que cette situation, ces
situations en Tunisie signent l'échec total du pouvoir. Que vous l'ayez fait
exprès ou non, Monsieur le Président, et je fais parti de ceux qui pensent que
tout ceci n'est que le fruit de votre profonde incompétence, ca ne fait passer
ces crimes que de volontaires à involontaires. Mais ces crimes sont votre
bilan, et vous comprendrez aisément qu'il n'est pas question que nous nous
unissions derrière vous pour en assumer la responsabilité. Il est au contraire
de notre responsabilité de solliciter de votre bienveillance votre départ afin
que des experts puissent tenter d'enrayer cette spirale infernale.
Oui,
Monsieur le Président, il faut nous unir, et vos pouvez rejoindre les rangs de
cette union. Mais vous n'en serez pas acteur. On a vu ce que cela donnait.
Deux
ans après, point de Constitution, deux ans après, des gouvernants bien assis
dans leurs ministères mais point de gouvernance.
Alors,
oui, Monsieur le Président, vous avez parfaitement saisi le sens de la gronde
populaire qui gagne le pays, il faut une union. Cette gronde réclame une union.
Et cette union passe par le départ de ceux qui alimentent, qui attisent, qui
jouent sur la division. Et quand bien même vous n'en jouiez pas, vous en
jouissez. Elle vous sert car la division sert celui qui est au pouvoir à y
rester, et non ceux dans l'opposition à y parvenir.
Monsieur
le Président, vous et l'équipe dont vous êtes issus, avez échoué. Sur tout et
pour tout. De vos promesses électorales, vous n'avez que promu les promettants,
de vos engagements, vous n'avez engagé que votre clan. Et tous les projets ne
font qu'attendre à raison de peut-être, alors que le peuple n'arrive même plus
à être. Vous avez asphyxié le pays, les libertés, l'économie, les familles, les
manifestants il va sans dire, et l'avenir de ce pays. Vous avez tiré la
couverture à vous, du plomb sur le peuple, vous avez tiré vers le bas la tête
de ce peuple qui l'avait rehaussé. Vous avez échoué et c'est le peuple qui est
contraint de ramer.
Monsieur
le Président, votre bilan est là, et malgré tous vos discours, toute votre
rhétorique, l'écran de fumée jetée sur les manifestants comme sur vos travaux,
rien n'a été fait.
Il
faut maintenant se retirer, sagement, dignement. Démissionnez maintenant, il
est encore temps pour vous de sortir de la préhistoire et d'entrer dans
l'Histoire. Inutile de nous proposer un énième gouvernement, un centième
calendrier, une millième promesse. On va désormais faire par nous-même si vous
le permettez. Et même si vous ne le permettez pas.
Monsieur
le Président, je crois qu'il est temps de se dire au revoir. Ayez l'amabilité
de nous saluer.
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