Je vous livre ici une analyse que m'avait demandé de livrer la Reims Management School sur la révolution en Tunisie.
Tout est question de prisme de lecture...
Il y a quelques dix huit mois maintenant, le peuple tunisien, se
soulevait, d’un seul Homme, comme un seul Homme, sans leader, sans
organisation, sans stratégie, et faisait tomber son dictateur au pouvoir depuis
23 ans.
Les marketers de l’information l’ont appelé la révolution du jasmin.
Jolie slogan qui n’aura pas réussi à faire oublier à la population des années
de dictature, une misère dans certaines régions de
la Tunisie et le sang versé dans cette bataille, les vies sacrifiées dans ce combat. Une révolution du Jasmin parce qu’il faut faire du tirage, mais une révolution douloureuse, car même si le plus dur a été fait, le plus long reste à faire.
la Tunisie et le sang versé dans cette bataille, les vies sacrifiées dans ce combat. Une révolution du Jasmin parce qu’il faut faire du tirage, mais une révolution douloureuse, car même si le plus dur a été fait, le plus long reste à faire.
Tout est allé très vite pour certains, tout est allé trop vite pour
d’autres et aucun finalement n’a réussi à anticiper cette gronde. Tout fut trop
rapide pour que les éminences grises du monde prédisent ce soulèvement dont les
séismes se sont fait ressentir chez le voisin libyen mais aussi plus loin,
notamment en Egypte et en Syrie.
Et pourtant dès 2008 le bassin minier de la région de Gafsa faisait
connaître son profond mécontentement. Quand l’homme n’a plus d’espoir, la vie
lui apparaît avec moins de valeur. Ben Ali, le dictateur déchu, est tombé parce
que ceux là n’avaient plus peur. Ils n’avaient rien à perdre, car ils n’avaient
rien. Pas même d’espoir.
Ne l’oublions pas, la révolution tunisienne n’est pas une révolution
pour la liberté, à son commencement. C’est une révolution de la dignité, c’est
une révolution pour une justice sociale. Pour être libre, il faut commencer par
ne pas être prisonnier de sa faim. Le combat a commencé par là. Il ne faut pas
être tenu en échec par l’injustice, le combat a embrayé sur ça. Il faut que le
possible existe car « même si ce n’est pas sûr, c’est quand même
peut-être ». Le combat s’est propagé à là.
Et puis la Tunisie, si petit pays, s’est retrouvé par son peuple, pour
son peuple, au centre du monde, au centre des attentions, au centre des
analyses. Chacun y allant de sa prédiction, de la plus optimiste à la plus sordide.
Le pays était sur un nuage, le pays était un nuage. La belle histoire
était parfaite. L’occident traversait une crise financière majeure, il fallait
un peu de rêve, la Tunisie était là. Il fallait un peu d’espoir la Tunisie
était là. La Tunisie a servi au monde entier et chacun s’est servi, chacun y a
trouvé l’illustration de l’histoire qu’il voulait raconter, chacun y a puiser
les exemples qui servaient son propos, les autres les contre-exemples, ceux là
un alibi, ceux-ci une cause, d’autres une théorie.
Et cette révolution menée sans leader, n’a pas nourri son peuple, cette
révolution n’a fait que se nourrir elle-même. Et une nouvelle fois, parce que
finalement le sort d’un peuple n’intéresse pas grand monde, le balancier de
cette révolution, emporté par son inertie, est partie de l’autre coté, sans que
personne ne cherche à le freiner, sans que personne même ne s’y intéresse. Sans
que personne ne se rende compte qu’il existe.
23 octobre 2011. Jour de vote en Tunisie. Première élection libre dans un
pays arabe nous vend t-on. Première élection libre dans un pays musulman nous
sur-vend-on. C’est faux, mais c’est vendeur. Et le balancier, lui, est
gentiment en train d’aller à l’autre extrême, de l’autre coté.
Le résultat tombe, les islamistes vainqueurs nous dit-on. Une vague
verte s’abat sur la Tunisie nous effraye t-on. Après le printemps arabe,
l’autonome islamiste nous serine t-on.
Le peuple a parlé. C’est terminé, c’est plié. C’est emballé. Un arabe
ne peut être que musulman. Et tant pis si les tunisiens sont maghrébins tout ça
c’est pareil. Et le musulman ne peut être, un jour ou l’autre qu’islamiste. On
prend des raccourcis parce qu’on n’a pas beaucoup de temps … de cerveau
disponible.
De blanche nation, voilà la Tunisie au ban des nations. Faisons-nous
peur un peu plus. Charia, polygamie, mains coupés, salafistes. N’en rajoutez
pas la coupe est pleine. Si ? Encore un peu ? Saupoudrez d’Aqmi, de
forces étrangères, de base arrière au terrorisme islamiste. Le mélange est
détonant et dans l’air du temps
Oui mais voilà, le balancier, toujours le même qui a entamé son
mouvement en 2008, ce fameux balancier est en train de retomber de l’autre
extrême où il s’est lui même emporté. Ces écarts deviennent moins grands, il va
se stabiliser, osciller de moins en moins. Il revient.
Février – mars – avril 2012 … le peuple redescend dans la rue, parce
que le peuple rappelle l’objet du débat ; dignité, justice sociale,
liberté. Que le pouvoir soit une dictature, ou démocratiquement élu, le peuple
ne se fera plus jamais confisqué sa citoyenneté, le peuple ne se fera plus
jamais confisqué ce qu’il a de plus cher, son humanité.
Comprenons bien ce qui s’est passé en Tunisie. La valeur humaniste a
repris le dessus sur tout le reste. L’être humain est redevenu central.
Personne n’a saisi le message pourtant clair. Moins d’un électeur sur deux qui
vote prouve bien que les attentes ne sont pas politiques. Presque deux votants
sur trois n’a pas exprimé un vote religieux prouve bien que les attentes ne
sont pas majoritairement et exclusivement religieuse. On nous a parlé de vague
verte, mais elle est en réalité blanche, de la blancheur du jasmin. On nous a
parlé d’un péril islamiste ? Le seul péril est qu’un peuple arrive à se
débarrasser de ses démons, de nos démons finalement.
Une troika des trois premiers partis arrivés en tête dirige le pays, avec
une légitimité populaire faible eu égard à cette alliance de circonstance pour
laquelle l’électeur n’a pas été prévenu, n’a pas été consulté, ne s’est pas
prononcé.
Le balancier est en mouvement, passant d’un extrême à l’autre, mais il
continue son mouvement, et c’est ça le plus important. Le balancier c’est le
peuple, et le peuple est là, présent, sur ses gardes, vigilent, il veille.
Le premier pas vers la démocratie c’est de pouvoir parler librement de
ces sujets. Son aboutissement, c’est lorsque ces sujets deviennent l’histoire.
Analysons, applaudissons, critiquons, craignons, réagissons. Le fait est que le peuple tunisien a entamé
sa mue, qu’elle n’est pas finie. Qu’il n’en est qu’à une étape. Il s’est
débarrassé d’un extrême, la dictature. Il attaque son combat contre le deuxième
extrême, le fanatisme. Observons, observons le peuple, n’observons que le
peuple, au moins on ne pourra pas dire que c’est allé trop vite, que nous n’avions
pas vu venir. Pas cette fois.
Dix huit mois après, oui, tout va bien en Tunisie, ils se battent, il y
a des moments de doutes, des moments d’euphories, des moments de peines et des
moments de joies. Des moments où ça semble dure, et des moments où ils savourent
une victoire. Oui, tout va bien en Tunisie ; ils vivent, ils se battent,
ils font le changement.
Et nous ?
Truffé de fautes...
RépondreSupprimermerci !
RépondreSupprimerQuand j'ai lu ce post j'ai eu le sourire, merci.
RépondreSupprimerÇa donne de l'espoir, dire qu'il y a des gens qui croient que l'affaire est pliée et que le tour est joué... Le combat continue et même après le fanatisme et après les prochaines présidentielle et municipale, où la "troika" va subir un coup dur, je crois aussi qu'un autre combat contre l'anarchie nous attend et c'est là les choses se corsent et où le travail sera plus fastidieux...
@Monsieur Anonyme: Quand on pointe les fautes il faut les corriger.
RépondreSupprimer@Monsieur Guellaty: Un article qui relate délicieusement les faits depuis la Révolution. Merci de l'avoir partagé. La Tunisie est plus forte que les fanatiques, il suffit de lire l'Histoire. On s'en sortira, bien sûr qu'on s'en sortira.