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vendredi 18 janvier 2013

complément d'enquete


Hier, jeudi 17 janvier 2013, le service Rédaction de France 2 diffusait dans son magasine « Envoyé Spécial » un sujet sur la Tunisie intitulé « Tunisie : sous la menace salafiste ».

Le sujet illustrait le titre, ou le titre illustrait le sujet, peu importe, le fait est qu’une fois visionné, la menace paraît réelle, le danger présent, la fin proche, le cataclysme imminent.

Pendant ce temps, une boucherie se déroulait non loin de là, en Algérie, où des forcenés de l’aqmi
qui avaient pris en otage rien qu’un site gazier dans son ensemble, subissaient les assauts de l’armée régulière algérienne tentant de libérer le site, et accessoirement quelques otages vivants.

Pendant ce temps là, l’armée française intervenait au Mali, afin d’éviter une partition du pays, dans les faits déjà opérée, entre un sud modéré et un nord radical et occupé, nous dit-on, par les mêmes Aqmi.

C’est dans ce contexte international que le téléspectateur, hier, assistait à la diffusion du sujet d’Envoyé Spécial sur la menace salafiste en Tunisie. Autant dire que le mot menace prend alors, en pré requis du visionnage, un sens très aiguisé chez le téléspectateur.

Crevons l’abcès tout de suite, oui une menace salafiste existe en Tunisie. On en débat à longueur de journée dans la rue, au bureau, dans les cafés, sur tweeter ou sur Facebook et partout où le débat peut exister en Tunisie. La même menace du reste qui existe dans tous les pays libres, démocratiques, dont l’essence même est que les plus dérangés eux aussi peuvent s’exprimer. Le contrôle judiciaire des propos incitant à la haine, et du propos en général ayant lieu à postériori.

Oui il existe en Tunisie un groupe d’allumés qui tente de déstabiliser certains pans du pays, en radicaliser la pensée, faire un hold-up sur sa religion, imposer un islam brutal. Ces mêmes illuminés de la pensée qui existent un peu partout, un des fléaux des temps modernes, appartenant à la mouvance des extrémistes en tout genre, qu’on retrouve à travers le radicalisme des idées, disséminé ici et là sur la planète, sur à peu près tous les sujets.

Donc de ce point de vue là, il n’y a aucune spécifié tunisienne quant à la présence sur son territoire, et dans les rangs de ses citoyens, de quelques tapés de l’idéologie, pourfendeurs de la paix civile.

Cette menace salafiste, nous aurions pu la tourner, en Tunisie, en France, en Allemagne, en Angleterre, aux USA et j’en passe et des meilleurs. Et cela ne réduit en rien la menace, mais tend au contraire à prouver qu’il y a un vrai sujet sur la question qui mérite un vrai traitement, transnational.

Même si cette menace existe en occident, qu’on l’utilise pour diaboliser, surtout en période électorale, qu'on l'utilise pour justifier une intervention armée, surtout en période de crise, les institutions laïques et modérées sont là pour assurer le maintien des droits civiques sans différence de race et de religion notamment. Sur ce sujet, en tout cas.

En somme, on peut s’émouvoir d’une demande de nourriture Hallal ou pas des cantines, on est certain que nos bambins auront à manger pendant le ramadan même si leurs pains au chocolat sont braqués. On peut débattre des conséquences architecturales des minarets, on est certain que personne ne sera contraint à aller prier, même si parfois on nous impose la vue de croyants se prosternant devant Dieu, dans les rues. On pourra s’interroger sur les conséquences sécuritaires du port de la Burqa lors de la conduite automobile ou lors de contrôles de police, on est certain que les magasins de luxe de l’avenue des Champs Elysées seront en zone franche vestimentaire.

Mais voilà, la Tunisie n’a pas ces institutions là. Pire, ceux qui sont les auteurs de ces futures institutions sont de la partie.

Parti islamiste, gardien d’une moralité sans reproche, d’un islam importé auxquels les tunisiens n’avaient pas l’habitude.

Voilà que les mots charia sont lancés, complémentarité de la femme pour l’homme, et tous les sujets nauséeux, anti-touristes, qui ont justifiés par la passé, et au nom de leurs dangerosité, la spoliation de droits humains des tunisiens, et par la même occasion, la spoliation d’une partie des recettes et des ressources du pays. Parce que pendant qu’on y était, il n’y avait pas de raison de se priver.

Jusque là, on est d’accord. Tunisie : menace salafiste. Les salafistes existent et revendiquent. Le pouvoir au mieux condamne du bout des doigts certains débordements, au pire laisse faire et au pire du pire, initie.

C’est tout ? Cut. Fin. Générique. On va se coucher. Tétanisé. Ces révolutions arabes sont une catastrophe. Ces arabes ne savent pas vivre libres. Il leurs faut le joug de quelqu’un et quitte à choisir, autant prendre un dictateur laic, qu’un extrémiste religieux. Epris de liberté du monde entier, réfléchissez bien avant d’aspirer à un mieux vivre. On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne tant pis pour l’absolu, tant pis pour l’idéal de vie, sacrifiés tout deux sur l’autel du compromis médiatique.

Alors permettez-moi, après votre « « Envoyé spécial », un petit « complément d’enquête ».

Nous avons en Tunisie, en plus des salafistes, et en plus de nos gouvernants, une société civile. Et celle là, un sujet de 26 minutes de la rédaction ne suffirait pas pour documenter toutes ses actions, au quotidien, loin des caméras, loin des médias, loin des regards.

Et cette société civile ne lâche rien, n’a rien lâché, et ne lâchera rien. Pas un centimètre carré de droit. Cette société civile s’est mobilisée efficacement pour chaque tentative, pas que de restreindre les droits des hommes, mais ne serait-ce que d’en débattre.

Les gardiens des idéaux de la révolution ne sont ni les gouvernants en Tunisie, qui tentent d’y faire main basse, ni ses ligues, qui tentent d’en faire un alibi, ni les partis politiques qui tentent de s’en faire un programme. Les idéaux de la révolution sont entre les mains de la société civile, du peuple tunisien, qui a repris sa souveraineté un certain 14 janvier 2011 et qui ne laissera personne l’en déposséder. Tout envoyé spécial qu’il fut.

Un million et demi d’électeurs se sont laissés abusés le 23 octobre 2011 en donnante leurs voix aux islamistes ? Notamment parce qu’il était difficile d’expliquer que la laïcité en Tunisie ne serait pas un principe utilisé pour stigmatiser le musulman comme on peut le voir ailleurs, mais un prérequis nécessaire pour un équilibre sociétal.  Il était compliqué de convaincre sur l’intégrité morale d’un Homme politique, sans qu’il soit nécessairement de la mouvance d’un islam radical. Entre autres …

Et puis ils n'étaient qu'un million et demi. Sur 8 millions.

Alors oui, il y a une menace salafiste en Tunisie. Mais cette menace reste au stade de menace, car même si les gouvernants ne jouent pas leurs rôles dans l’équilibre idéologique de la cité, la société civile, le peuple, remplit cette fonction et pleinement.

Et ceci rend le peuple tunisien encore plus admirable. Là où de nombreuses nations ont abdiqué, là où des civilisations entières sombrent dans un individualisme sordide, la société tunisienne reste mobilisée pour défendre farouchement et activement des idéaux humains universels, des prérogatives individuelles indiscutables.

Tout ce qui a été dit hier dans le sujet incriminé, la société civile le sait, elle lutte contre, et pour le moment elle a gagné sa lutte. Il eut été honnête de le dire, il eut été honnête d’en parler, il eut été honnête de le reconnaître. La vérité dans sa globalité est parfois moins vendeuse, mais ca reste une vente authentique, d’un produit qui n’est pas contre fait.

Si votre « Envoyé Spécial » avait voulu faire de l’information, il aurait fait 6 minutes sur les salafistes et le reste sur la société civile. Mais voilà, bien que sous la tutelle de la rédaction, il a fait du divertissement.

Heureusement France 2 n’est pas la voix de la France, ni sa voie. Et nous ne nous méprenons pas, la société française, l’Etat français n’est pas responsable d’un service de la rédaction mercantile et d’un journaliste peu scrupuleux.

Ce sujet a fait mal aux tunisiens, a blessé un peuple, à cause de mensonges par omission.

Nous sommes fiers d’être tunisien, nous sommes fier de ce que nous avons réalisé, et bien que très critique nous, envers nous-mêmes, particulièrement critique même, dans sa globalité, ce que nous réalisons relève de l’exploit. Et on ne peut pas dire que nous sommes aidés. Notamment par ce type de prisme de lecture.

Si vous pouviez arrêter de faire croire aux salafistes qu’ils gagnent du terrain cela nous arrangerait bien. Si vous pouviez arrêter de les mettre en avant et donner de l’eau au moulin de leurs radicalismes, nous vous serions fort gré. Et sans 50 nuances.

La Tunisie reste une terre d’accueil, et tous qui y viennent y sont attendus avec une joie immense. Quoique que quiconque fasse. Quoique que quiconque dise.

Vous ne nous volerez pas notre révolution, vous ne nous ferez pas regrettez. Nous ne baisserons plus la tête. Oui ca nous a fait mal, parce que ce n’est pas vrai. Parce que face à cette menace, nos ne sommes pas silencieux, nous ne restons pas sans rien faire. Et que nous gagnons un combat rude, difficile.

Nous, nous battons pour des idéaux. Ceux universels, notamment repris en son temps par vos lumières.

Et vous ?

Le prisme de traitement de ce sujet, qu’il fallait mercantile avant tout, sur tout, surtout, tend à nous laisser penser, au Bistrot, que votre vision, loin des lumières,  n’est que celle d’une petite lanterne, éclairée à la vessie.





11 commentaires:

  1. Je veux bien accrédité votre thèse d'une société civile qui ne lache rien mais 2 tonnes d'armes ont été découverts hier soir à Medenine (proche de Gabès) dont des missiles sol-air, RPG, mines, explosifs, kalach, etc.. On est quand même un peu plus loin dans le salafisme djihadiste qu'une porte enfoncée à la Manouba...Le reportage est certes décevant car il relate des faits connus mais des faits d'il y a 6 mois, l'actuel est pire, une ambassade americaine investie, une ecole americaine brulee, une dizaine de mausolées detruits, des camps d'entrainements djihadistes, des villes comme Sejnane sous pression salaf.. Quel est le pouvoir de la société civile sur ces evenements? Le reportage est certes pas terrible sur l'investigation mais est sur le fond "gentillet"... C'est certes un mauvais presage pour l'industrie touristique, mais je pense qu'on est plus dans le deni de la realité qu'autre chose. Et pour reparler de la société civile que j'observe, si on parle de la meme issue de la Marsa, Menzah, sidibou, c'est plus qu'une extreme minorité par rapport à l'ensemble des villes et villages tunisiens..A force de vouloir faire l'autruche, le reveil risque d'etre douloureux pour l'elite tunisienne..Quant aux intentions de la France à travers ce type de reportage, il est evident qu'il s'agit d'une alerte et une mise en garde contre ces dangers, car il s'agit réellement d'un danger.

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    1. je vous suis totalement et je nie pas la pression mise par les salafistes, bien au contraire. le terrorisme idéologique revet chez nous la forme que vous décrivez, c'est eux avions dans deux tours ailleurs, un bus encore ailleurs, ou un train là bas. le fait est, qu'au niveau des institutions, rien ne passe, et cette volonté de radicalisation, même si le bras de fer est entamé dans les faits, n'aboutit pas dans le droit de nos institutions, et ce uniquement grace à la soutien civile qui se mobilise.
      Quand à qui est cette société civile, je ne crois pas qu'elle ne soit que marsoise, et du ressort de son triangle d'or. Je me souviens d'une population très hétéroclites, des quatre coin du pays et tous les niveaux sociaux lors du sit-in devant l'ANC au moment de la négociation du reglement intérieur.
      Tout ca pour dire qu'il ne faut absolument pas que cette société civile se démobilise, bien au contraire. Le risque existe, raison pour laquelle on doit rester alerte et mobilisé. Mais le sujet n'en fait pas état, alors même que c'est encore plus remarquable que les tentatives jusqu'ici vaine, des salafistes, de prendre la tunisie, comme ils essaient de prendre d'autres regions du globe.

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    2. On prend des faits divers (qu'on réchauffe) et on fait croire que la Tunisie ressemble à l'Afghanistan ! A qui profite le crime ? À vendre du sensationnel ? À encourager la minorité salafiste ? À isoler la Tunisie ou l'affaiblir ? En tout cas, ce n'est certainement pas à informer, car c'est du journalisme de caniveau !

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    3. je pense qu'il n'y pas d'autre d'idée derrière que celle d'un prisme en à priori du sujet, qui cherche ensuite factuellement, a étayer son parti pris. ce qu'il montre est vrai. mais c'est une vérité qu'il retrouvera partout. Un peu comme zemmour qui nous explique que la majorité de la population carcérale est noire ou arabe. C'est vrai. Mais ce n'est pas le critère qui determine la délinquance. Etre noir ou arabe ne fait de l'individu un délinquant. tout noir ou tout arabe n'est pas forcément un délinquant. idem pour le salafisme en tunisie. Tout tunisien n'est pas un intégriste en puissance, et tout tunisien ne tolère pas le salafisme

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    4. personellement je me demande comment une grande chaine publique, comme France 2, et de plus comment deux journalistes de talent
      comme Guilaine Chenu et Françoise Joly peuvent-elles confier à une société de production privée
      un tel reportage bien loin de la réalité et surtout sans prendre la précaution de vérifier la
      véracité du sujet avant de le diffuser à une heure de si grande écoute à des millions de
      téléspectateurs européens ?????

      Alors Mesdames Chenu et Joly, je vous propose de venir passer
      quelques jours à Hammamet pour constater par vous même que la réalité est bien loin de votre
      fiction. Vous croiserez des centaines de touristes aussi bien dans les hôtels de la station que
      dans les rues ou installés aux terrasses des cafés et restaurants. Vous pourrez déambuler
      librement dans notre médina pour faire vos emplettes et ... je l'espère vous pourrez nous faire
      ainsi un nouveau reportage, dans les semaines à venir, bien différent de vos images
      "orientées et destructrices" de jeudi dernier, réalisées par un "Envoyé trés
      spécial" !

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    5. Le journaliste français david pargui : j'ai passé les vacances de noel en tunisie et apres avoir regarder ce reportage je me demande maintenant si je me suis bien rendu en tunisie ,j'ai rien vu de tout ça en tout les cas .les tunisiens même les plus barbus d'entre eux ont été tres accueillant , mais bon rassembler tous les petits actes extrémiste qui ont eu lieu pendant deux ans et vous les mettez dans une seule video ,et la vous transformez même la suisse en afghanistan

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  2. Revenant tout juste de Tunisie, que je connaissais avant la Révolution, j'ai été intéressée par le thème de ce sujet mais ai trouvé malgré tout le reportage très pessimiste. Oui comme vous le dîtes, la société veille, et les gens parlent parfois plus librement qu'en France de la politique en générale et de la menace salafiste en particulier. J'en veux pour preuve l'émission de dimanche dernier sur RTCI, qui revenait largement sur l'incendie du mausolée de Sidi Bou Saïd et appelait à un sursaut contre les intrusions wahhabites.
    Je ne peux qu'encourager les Tunisiens à rester vigilents et à continuer de débattre aussi ouvertement de ces difficultés qui, ainsi, paraissent surmontables si le pays reste uni.

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  3. Merci Karim pour ces mots qui m'ont soulagé un peu. Depuis ce reportage je n’arrête pas a penser au pays. Restons fiers, unis et optimiste !
    Mustapha AZZABI

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  4. Monsieur Gellaty,
    D'abord, permettez-moi de vous féliciter pour vos talents d'écrivain. Je trouve votre prose et maniement de la langue française sublime. Ainsi, je suis d'autant plus intrigué par votre phrase:
    "Notamment parce qu’il était difficile d’expliquer que la laïcité en Tunisie ne serait pas un principe utilisé pour stigmatiser le musulman comme on peut le voir ailleurs..."

    J'ai vraiment du mal à comprendre ce que vous entendez par ceci. Et même je dirais que cette phrase est bien plus inquiétante que le reportage de France2 ou n'importe quel action commise par des barbus souvent Koraniquement illettré. Car, voyez-vous, je ne peut concevoir comment la laïcité peut être utilisé pour stigmatiser ni un musulman, ni un chrétien, ni sataniste ni adepte de la sorcellerie ou toute autre croyance dans la mesure où celle-ci est pratiqué librement dans l'intimité ou dans un lieu de culte, et pas dans l'espace publique.

    Si cette phrase résume la pensée de la société civile que vous encensez comme gardien de la révolution, j'ai bien peur pour l'avenir de votre pays.


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  5. "Tout ce qui a été dit hier dans le sujet incriminé, la société civile le sait, elle lutte contre, et pour le moment elle a gagné sa lutte. Il eut été honnête de le dire, il eut été honnête d’en parler, il eut été honnête de le reconnaître. La vérité dans sa globalité est parfois moins vendeuse, mais ca reste une vente authentique, d’un produit qui n’est pas contre fait."

    Un gros problème derrière tout ça: la responsabilité des médias. Ce sujet partiel et partial diffusé sur la 2 donnait tout l'air d'être bâclé. Si c'est effectivement le cas, c'est grave. Mais encore plus grave dans l'hypothèse contraire. Bref, certains médias (et pas seulement français malheureusement) se permettent de diffuser - au nom des sacro-saintes liberté d'expression/de la presse - tout et n'importe quoi parce que "c'est vendeur", en occultant complètement les lourdes conséquences qui peuvent en découler. Il ne serait pas superflu de laisser de temps en temps place à un peu de recul et de professionnalisme en la matière.

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