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mercredi 22 juin 2011

hashtag botzaris36


Hashtag botzaris36, soit en langage tweet #botzaris36. Pour les tweetonados, ils savent de quoi on parle, et encore. Pour les autres, ils en ont une vague idée, mais très vague au regard du peu de couverture médiatique.

De quoi parlons-nous ?

D’abord d’un drame humain. Comme il en existe des centaines, des milliers en France. Soit. Et alors ? Est-ce une raison suffisante pour se taire et passer son chemin ? La misère existe, c’est terrible, ce ne sont pas les
seuls, encore moins les premiers et surement pas les derniers. Et la vie continue, retour au centre de l’univers, le nombril, au centre du monde, son moi.

Or la détresse est toujours là, toujours présente, toujours pressante. Elle se rapproche. Elle arrive dans l’immeuble. D’abord le voisin du premier. 58 ans, cadre modèle dans une société familiale. Mais voilà, des traders ont joué à packman sur leurs ordinateurs, et la société du voisin du premier a perdu trois vies dans le jeu. Dont celle du voisin du premier. Trop vieux, trop cher, trop vivant, il est licencié. Un an et demie plus tard, les échéances du prêt du petit appartement ne sont plus payées, la banque saisie. Packman revient, titrise ses dettes, les inclus au prêt contracté par la société où il travaillait, indexe tout ça sur le taux de découvert des deux, y rajoute le taux du T4M et en fait un produit financier à rendement garanti.

L’appartement est vendu aux enchères. Le voisin du premier, devient le voisin du trottoir. L’hiver arrive, il devient le voisin dans le métro. Il a fini par ne plus avoir d’espoir l’ancien voisin du premier. Il habite maintenant à gauche de Monsieur Duval, allée 13, fausse commune Nord.

On continue sa route, c’est moche ce qui est arrivé au voisin du premier. Cinq minutes échangées avec la concierge sur le sujet, et la détresse de cet homme est résumée à « dans quel monde on vit ». Cinq minutes devant un ascenseur pour résumer une souffrance devenue insupportable.

Et un jour cette détresse frappe à notre porte. On pensait que cela n’arrivait qu’aux autres. Un jour on devient les autres.

C’est un peu ça Botzaris, des gens qui pensaient que ca n’arrivait qu’aux autres. Puis, ca, leur est arrivé.

Oui, ils ont fui la Tunisie, oui ils ont fui un pays où un formidable espoir est en train de naître, oui ils ont fui un peuple, le leur, alors qu’il commençait à relever la tête. Et oui, ils ont véhiculé par leur fuite une image que les tunisiens ne voulaient pas.

Alors effectivement, ils ont peut-être manqué d’un peu de courage, ils auraient du lutter un peu plus longtemps, continuer à supporter la misère crasse des régions d’où ils viennent, accepter toujours les coups de la police qui se croit encore tout permis dans une Tunisie libérée du joug de la terreur dans ses grandes villes seulement, et encore. Mieux que ça même, oui, certains se sont enfuis de prison, parce qu’ils ne voulaient plus payer par une embastillement d’un an le fait d’avoir fumé un joint, un an de coups, un an d’humiliation, un an de maltraitance pour une justice expéditive, punitive, aveuglement répressive. 23 ans de règne de Ben Ali ont été jugés en 2 heures au tribunal de Tunis, imaginez la durée d’un procès pour un fumeur de joint. Il n’y en a pas. Un simulacre de justice avec une automatisation de la peine. Un an ferme. Point.

Alors oui ils sont tout ça. Et vous savez quoi, parce qu’on oublie l’essentiel, ils sont tous ça et une toute petite autre chose encore, ce sont des êtres humains. Qui pensent, qui réfléchissent, qui doutent, qui regrettent, qui souffrent, qui ont envie de rêver, qui ont besoin d’espoir. Des autres humains à qui on doit un peu plus d’aide que les autres, car la vie leur a donné précisément un peu moins de courage que les autres. Et ca ne s’appelle pas assister, ca s’appelle entrainer. Ca ne s’appelle pas entretenir, ca s’appelle tendre la main pour accompagner. Ca ne s’appelle pas délirer, ça s’appelle être humain.



L’histoire de botzaris36, c’est donc ça. Des êtres humains qui sont partis parce que le rêve n’existait plus, parce que l’espoir semblait impossible là bas. Et, parce qu’il faut de l’espoir pour vivre, ils sont allé le chercher ailleurs.

Puis désillusions. Ce n’est pas mieux ici, c’est pire dans le ailleurs. Que faire. Rentrer ? Mais comment rembourser les dettes contractées pour partir ? Et le lynchage à l’arrivée. L’humiliation pendant des années. Ils n’ont qu’à assumer ? Mais assumer quoi ? le fait d’être allé chercher de l’espoir ? Le fait d’avoir voulu vivre ?

Rentrer est compliqué. Rester l’est tout autant. Vivre éternellement dans un jardin public, chassé par la police, traqué par une campagne présidentielle qui s’annonce costaude ? Finir dans un tableau excel, colonne C, ligne 248 pour venir augmenté le pourcentage du sous total de la feuille 3. Lequel sous-total va permettre de prendre 0,12 voix au Front National. ?

En terme d’espoir ca se pose là.

Botzaris36, c’est ça. Les archives du RCD, l’appartenance du 36 à l’ambassade, au consulat, à une société fantôme, son extra territorialité ou son intra territorialité, son propriétaire qu’il soit l ‘Etat, un beau frère de l’ancien salop, son fils, sa fille ou lui-même, tout ca c’est de la politique.

Le Botzaris36, c’est avant tout une histoire inhumaine d’Hommes à qui l’espoir fait défaut. Bortzaris36, c’est notre histoire, celle de ce que nous, humains, nous sommes devenus. Alors Botzaris36 sera le début de notre rédemption. Ce ne sont pas les seuls, mais commençons par eux, car il faut bien commencer. Et n’acceptons plus jamais ça, n’acceptons plus jamais de ne plus être des Hommes. Les pires romans de sciences fictions imaginaient le 21ème siècle dirigé par des robots, sans cœur, sans sentiment, sans conscience. Pas un auteur n’avait imaginé que ce robot serait tout simplement l’Homme, lui même. Il faut ressortir de la matrice.

9 commentaires:

  1. "ce sont des êtres humains. Qui pensent, qui réfléchissent, qui doutent, qui regrettent, qui souffrent, qui ont envie de rêver, qui ont besoin d’espoir" j'adore

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  2. "ce sont des êtres humains. Qui pensent, qui réfléchissent, qui doutent, qui regrettent, qui souffrent, qui ont envie de rêver, qui ont besoin d’espoir" j'adore

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  3. Émouvant ton témoignage ! Il sort des fonds de tes tripes, d'où la beauté de ton style. Tu as suivi l'affaire dès le début et je regrette que de ne pouvoir être physiquement à vos côtés. Les journaux et hommes et femmes politiques que j'ai alertés ne diront pas qu'ils n'étaient pas au courant. Silence complice, sauf celui d'Eva Joly qui a tout de suite pris à bras le corps ces tristes épisodes, séquences d'une tragédie humaine dont les premiers facilitateurs sont les différents gouvernements français .....

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  4. merci à tous. le coeur doit etre effectivement au service de la raison, et là ca doit, tout aussi effectivement, etre le cas.

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  5. Le printemps tunisien c'était un espoir, pour moi une leçon.Je ne comprend pas que l'aspect "politique"prenne le pas ou je le comprend trop bien.

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  6. Texte droit venu des tripes! Merci!
    Ce que la politique a fait de notre société......c'est à pleurer.......

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  7. Karim Président

    JJV
    à bientôt 15 - 16 juilet à Tunis
    Rebol_france

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  8. Bonjour, votre article est excellent, pourtant j'en ai lus sur le 36 botzaris, ou je me suis rendu plusieurs fois pour aider, mais le racisme de certains jeunes envers les Tunisiens d'un certains age m'a découragé. Depuis, je me suis réservé à la documentation pour qu'il n'y aurait pas d'impunité pour les responsables du RCD FRANCE; dieux merci je ne suis pas loins d'envoyer le Président du RCD FRANCE devant les tribuneaux Français et toute aide ou assistance juridique sera la bien venue.

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